La première étape pour comprendre la compatibilité entre la souveraineté de Dieu et la volonté humaine, c’est de reconnaître qu’elles ne sont pas mutuellement exclusives ; d’ailleurs, les Écritures sont absolument claires à ce sujet. Dans les plans divins, la domination souveraine de Dieu sur sa création n’élimine pas la responsabilité humaine. Ce fait est véridique même si le mal a été incorporé au grand dessein de l’univers avant le début des temps, et même si Dieu utilise les péchés de ses créatures pour des fins qui sont toujours (et seulement) bonnes. D’ailleurs, dans sa sagesse infinie, il est capable de faire en sorte que toutes choses concourent au bien (Rom 8:28)
Prenons le temps d’examiner la déclaration liminaire du Seigneur dans Esaïe 10:5 « Malheur à l’Assyrien, verge de ma colère ! »
À première vue, cela n’a aucun sens. Si l’Assyrien est un instrument de jugement dans la main de Dieu, pourquoi prononce-t-il une condamnation sur les Assyriens ? L’expression « malheur à » laisse entrevoir une calamité ou un jugement sévère à venir. Cependant, un peuple peut-il faire l’objet d’une dénonciation et d’un jugement divins, tout en agissant comme une verge de la colère de Dieu ? La suite du verset précises : « La verge dans sa main, c’est l’instrument de ma fureur. » L’Assyrie, une nation païenne, mécréante et idolâtre, était un instrument du jugement divin contre le peuple rebelle de Dieu.
De fait, le verset suivant déclare : « Je l’ai lâché contre une nation impie (Juda, la partie sud du royaume-, je l’ai fait marcher contre le peuple de mon courroux » (v6). Les Juifs y sont désignés comme le peuple de son courroux. Dieu tient Israël entièrement responsable de son incrédulité; entièrement responsable de son idolâtrie; entièrement responsable de sa rébellion et de son rejet de Dieu, de sa Parole et de son adoration. Alors, il autorise l’Assyrien à l’attaquer. Notez la suite du verset 6 : « Pour qu’il se livre au pillage et fasse du butin, pour qu’il le foule aux pieds comme la boue des rues. » Quel langage tranchant et décisif !
Ce que nous voyons ici, c’est un décret divin en pleine action.
Dieu prend l’Assyrien par le chignon du cou et lui assigne le rôle d’instrument de sa fureur contre le peuple impie et rebelle de Juda. Et esnuite, il dit au verset 7 : « Mais (l’Assyrie) n’en juge pas ainsi, et ce n’est pas là la pensée de son coeur. » L’Assyrie est l’instrument du jugement de Dieu, mais les Assyriens eux-mêmes n’en ont aucune idée. Les Assyriens n’ont jamais eu pour but, pour motif et encore moins pour intention de servir Dieu. Ils ne s’intéressaient pas au Dieu des Écritures, ils ne croyaient même pas en lui. Au contraire, ils projetaient dans leur coeur d’exterminer un grand nombre de nations. Cela ne représentait pour les Assyriens qu’une occasion supplémentaire d’utiliser leur pouvoir destructeur pour frapper une autre nation voisine comme ils l’avaient déjà fait avec Calno, Carkemisch, Hamth, Arpad, Samarie et Damas (v9). Les versets 10 et 11 décrivent la confiance qu’accordait l’Assyrien à ses moyens de conquérir Juda : « De même que ma main a atteint les royaumes des idoles, où il y avait plus d’images qu’à Jérusalem et à Samarie, de même, ce que j’ai fait à Samarie et à ses idoles, ne le ferai-je pas à Jérusalem et à ses images ? » Tout ce que l’Assyrien comprenait, c’est qu’elle avait détruit d’autres nations, qui à ses yeux, étaient mieux protégées et avaient de plus grands dieux que celui de la Bible. Les Assyriens voulaient seulement infliger à Juda le même traitement qu’ils avaient fait subir à d’autres nations. Ils croyaient qu’ils agissaient de façon complètement indépendante. Ils étaient loin de se douter que Dieu se servait d’eux pour accomplir son jugement.
Le fait d’être des instruments de la colère divine les dégageait-il de toute responsabilité quant au mal que causent leurs manœuvres militaires ? Si le décret divin irrésistible les conduisait vers Israël, dans quelle mesure portaient-ils la culpabilité de leurs actions ? Et pourtant, les Écritures disent clairement qu’ils seront tenus responsables; Le verset 12 annonce ce que Dieu fera quand il aura fini d’utiliser l’Assyrie comme instrument de sa fureur : « Mais quand le Seigneur aura accompli toute son oeuvre sur la montagne de Sion et à Jérusalem, il dira : je punirai le roi d’Assyrien pour le fruit de son coeur orgueilleux, et pour l’arrogance de ses regards hautains. » Le Seigneur avait déjà décrit que lorsqu’il cesserait d’utiliser l’Assyrie, il la punirait pour ses péchés. L’acte même perpétré par les Assyriens sous le décret de Dieu était infâme - à tel point que Dieu se tournerait contre eux et les détruirait. Aux yeux de Dieu, ils portaient la pleine responsabilité de toutes les dévastations et de tous les massacres commis, même s’ils accomplissaient le décret divin.
Dieu condamnait l’Assyrien non seulement pour ses mauvaises actions, mais également pour ses mauvais motifs. « Je punirai le roi d’Assyrien pour le fruit de son coeur orgueilleux, et pour l’arrogance de ses regards hautains. Car il dit : c’est par la force de ma main qu j’ai agi, c’est par ma sagesse, car je suis intelligent » (v12-13). Dieu punirait les Assyriens pour leurs mauvais motifs et parce qu’ils n’avaient pas reconnu sa gloire, s’accordant plutôt le mérite de leurs actions. Ils croyaient avoir fait ces choses par le pouvoir de leurs mains et la sagesse de leurs propres desseins. Esaïe nous rapporte les propos arrogants du roi d’Assyrien :
Car il dit : c’est par la force de ma main qu j’ai agi, c’est par ma sagesse, car je suis intelligent ; j’ai reculé les limites des peuples, et pillé leurs trésors, et, comme un héros, j’ai renversé ceux qui siégeaient sur des trônes ; j’ai mis la main sur les richesses des peuples, comme sur un nid, et, comme on ramasse des oeufs abandonnés, j’ai ramassé toute la terre : nul n’a remué l’aile, ni ouvert le bec, ni poussé un cri (v13-14)
Ce genre d’orgueil rebelle attire la colère divine. Les motifs et l’arrogance des Assyriens les destinaient au jugement de Dieu. Esaïe dépeint de façon éclatante l’ignorance et la sottise de leur attitude prétentieuse.
La hache se glorifie-t-elle envers celui qui s’en sert ? Ou la scie est-elle arrogante envers celui qui la manie ? Comme si la verge faisait mouvoir celui qui la lève, comme si le bâton soulevait celui qui n’est pas du bois ! (v15)
Dieu est celui qui brandit l’Assyrie comme une hache pour abattre Juda et Jérusalem ; pourtant, il tient à juste titre l’Assyrien responsable de ses crimes (v15-18).
Voici ce qu’il faut retenir : bien que Dieu contrôle par décret divin et pouvoir souverain tout ce qui se passe dans le monde selon sa propre volonté, cela n’enlève pas un iota de culpabilité à ceux qui font le mal. Les personnes malfaisantes ne font pas le mal parce qu’elles sont forcées de le faire, mais bien parce que leurs intentions sont malfaisantes. Alors, Dieu les jugera aussi bien pour leurs actions que leurs motifs, ainsi que pour leur refus de le glorifier et de l’adorer. De plus Esaïe n’essaie jamais de résoudre ou d’expliquer ce que de nombreuses personnes pourraient considérer comme un paradoxe judiciaire. Les Écritures n’indiquent en aucun cas que la colère de Dieu contre l’Assyrien n’était pas pleinement raisonnable, appropriée et justifiée. La Bible ne se soucie pas de réconcilier la justice divine avec des présuppositions humaines en matière de justice et d’équité. Les Écritures explique simplement ce que Dieu a fait, et nous devons comprendre que ses actes étaient justifiés et équitables parce qu’il les a accomplis. On peut voir très nettement cette même tension entre la souveraineté divine et la responsabilité humaine dans Actes 2. Durant son sermon lors du jour de la Pentecôte, l’apôtre Pierre dit ceci : « Hommes Israélites, écoutez ces paroles ! Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles, les prodiges et les signes qu’il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes ; cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié, vous l’avez fiât mourir par la main des impies » (v22-23).
Jésus-Chris est mort sous l’autorité de Dieu, en son temps et selon son dessein. Or, Israël était tout de même coupable - autant pour sa participation collective à sa mort que pour son incrédulité à croire en lui comme Messie. Cependant, la culpabilité du meurtre de Jésus-Christ ne retombait pas seulement sur Israël. Actes 4:27 prononce une autre inculpation : « En effet, contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate se sont ligués dans cette ville avec les nations et avec les peuple d’Israël. » l’argument était clair : la mort du Christ constituait l’action concertée d’une humanité impie s’étant liguée contre Dieu. Tous sont coupables. Cependant, la prière du verset 27 continue au verset 28 ; on y lit que toutes ces âmes coupables ont conspiré « pour faire tout ce que ta main et ton conseil vient arrêté d’avance ». Esaïe 53:10 abonde dans ce sens, en identifiant l’éternel comme le responsable de la mort de son Fils : « Il a plu à m’éternue de le briser par la souffrance. » Cela ne signifie aucunement que ceux qui ont exécuté Jésus-Christ sont exempts de culpabilité. Les intentions des responsables étaient tout à fait séditieuses et meurtrières, et leur action, purement méchante.
En conséquence, la mort de Jésus-Christ est pour ainsi dire la plus grande réalisation des paroles empreintes de vérité que Joseph a adressées à ses frères dans Genèse 50:20 : « Vous aviez médité de me faire du mal : Dieu l’a changé en bien. » L’accomplissement du plan rédempteur de Dieu par la mort du Christ n’atténue aucunement la culpabilité des meurtriers; Bien que Dieu ait ordonné et orchestré chaque événement afin d’en arriver à ses fins, les mains perfides des humains qui ont accompli le travail sont néanmoins coupables du rôle qu’elles ont joué.
Chaque partie de la Parole de Dieu évoque ces vérités en apparence opposées : la souveraineté divine et la responsabilité humaine. Néanmoins, les Écritures ne tentent jamais d’atténuer cette apparence d’antagonisme. On n’y trouve pas d’explication inspirée qui définiraient clairement leu lien de complexité. Par conséquent, nous devons faire preuve de retenue lorsque nous tentons de conformer les décrets divins à notre piètre sens de l’équité. Nous devons nous rappeler que ce n’est pas à nous d’amener Dieu à respecter les normes que notre faible esprit peut lui suggérer. Il est lui-même le standard en matière de vraie droiture, et il n’agit jamais de manière à contredire sa justice ou sa droiture.
John MacArthur