L'église a essentiellement deux types d'auditeurs et donc deux messages à proclamer : l'un à destination du non-croyant et l'autre à destination du croyant. James Kennedy analyse bien la dilution actuelle de la connaissance des Saintes Écritures dans nos églises :
En cette époque de théologie "à la Pepsi", il me semble y avoir un grand besoin pour un fondement biblique et théologique plus substantiel, de peur que les bulles ne s'évaporent ! Notre culture se centre presqu'entièrement sur l'expérience, et elle a un besoin crucial de retrouver les vérités éternelles de la Parole de Dieu.
On pourrait aussi comparer les messages actuels à un évangile « crème glacée » aux multiples parfums. Il y a un parfum pour chacun : vanille, fraise, pistache, chocolat, etc. ; il y en a pour le grand et pour le petit, pour le riche et pour le pauvre ; le message de Dieu est remplacé par des histoires, des témoignages, etc. ; on amuse ; l'important est d'attirer le plus de monde possible dans l'église, à n'importe quel prix. Alfred de Musset a dit : « Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. » C'est la stratégie de la « troisième vague ». Hélas, on retrouve les mêmes dérives aujourd'hui dans nos assemblées. On dilue, on tord le sens au point que ce ne soit plus l'évangile, voire même un « autre évangile ». Où est la prédication sur le péché, sur la nécessité de repentance, sur l'exigence de la sanctification progressive, sur l'enlèvement de l'Eglise, etc. ? Le résultat est le constat divin transmis par Osée : « Mon peuple est détruit parce qu'il lui manque la connaissance. Puisque tu as rejeté la connaissance, je te rejetterai, et tu seras dépouillé de mon sacerdoce ; puisque tu as oublié la loi de ton Dieu, j'oublierai aussi tes enfants » (Os 4.6). Ce texte concernait Israël, mais nous nous trouvons dans la même situation aujourd'hui, et cela par la faute des pasteurs et des prédicateurs qui manquent de connaissances bibliques et théologiques nécessaires. À ce sujet, le Docteur Jean-Baptiste Roamba souligne : « On a l'impression que les pasteurs ne veulent pas choquer les fidèles mais ils doivent comprendre que la prédication de l'évangile doit amener la repentance et le pardon des péchés. Au lieu de dénoncer le péché, on le tolère et il prend racine dans l'église. Ce qui autrefois n'était pas toléré, est accepté aujourd'hui. »
Ce manque d'enseignement conforme à la saine doctrine contribue à l'ignorance des croyants, à leur manque de croissance, à leur crainte de l'inconnu, et finalement à leur dépendance vis-à-vis des ministères en place. Beaucoup de fidèles sont maintenus dans une sorte d'esclavage spirituel qui les conduit à considérer le pasteur comme un juge de l'Ancien Testament, un directeur de conscience, ou un conseiller particulier pour tous les problèmes de leur vie. Ils ne connaissent que trop peu leur Bible et les promesses de Dieu. Ils préfèrent se confier en ce qu'affirment les hommes. Beaucoup sont hélas illettrés et ne peuvent faire autrement. Mais d'autres lisent, sans discernement, des livres de vulgarisation, parfois pleins de sagesse humaine mais non fiables quant à la saine doctrine, parfois même franchement déviationnistes. La crainte ou la soif de connaître poussent certains à se rendre dans toutes sortes d'endroits peu recommandables où sont présentées des vérités complètement déformées. Le danger est qu'ils ne sont pas ou plus en communion régulière avec Dieu. Si la prière ainsi que l'étude régulière et systématique de la parole de Dieu manquent à leur vie spirituelle, ils sont à la merci des tempêtes doctrinales qui s'abattent sur l'Église.
Si la majeure partie, plus de 95%, de la chrétienté est aujourd'hui dans l'apostasie, c'est parce qu'elle a accepté, au fil du temps, toutes sortes de « nouvelles révélations », contredisant et dénaturant les Saintes Écritures. Certains prédicateurs d'un « évangile » déformé accèdent même à des positions stratégiques dominantes au sein de certaines dénominations chrétiennes, ce qui leur permet de séduire plus facilement un grand nombre de fidèles. On les reçoit avec de grands honneurs car leur prédication remplit les caisses. Nombre d'entre eux ne sont hélas même pas chrétiens : « Ils ont une apparence de piété, mais renient ce qui en fait la force. » (2 Tm 3.5).
Charles Colson observait que : Trop souvent l'Église moderne cherche à imiter les méthodes et le voies de ce monde. Notre culture cherche à satisfaire les besoins des consommateurs, avant tout pour qu'ils se sentent bien. L'Église privilégie donc l'action au détriment de la formation du caractère, le "faire" au détriment de "l'être". Il n'y a rien de mal en soi à vouloir satisfaire les besoins des gens et à concevoir des programmes en ce sens. L'Église doit pouvoir attirer ceux qui ne sont pas Chrétiens. L'Église doit croître. Mais quand les programmes et la croissance deviennent les préoccupations essentielles, l'Église court le danger de perdre son premier Amour. . . .Elle court le danger de désacraliser ce qui est saint.
Il est rare d'entendre aujourd'hui prêcher sur le retour de Christ, parce que cela mettrait un terme à la poursuite du plaisir et de la prospérité. Rares aussi sont les messages sur l'amour que l'on doit porter à Jésus-Christ. Les églises préfèrent se concentrer sur la visite de tel prédicateur à la mode, la promotion de tel projet pour réunir des fonds, ou telle campagne d'évangélisation avec miracles et guérisons. La vraie foi a laissé la place à la recherche effrénée de la puissance, de la santé, du confort et de la prospérité matérielle.
Cet environnement offre un terrain propice pour le développement d'une apparence de foi superficielle et facile. Beaucoup de ceux qui rejoignent ainsi l'église ne se convertissent donc pas vraiment. Ils adhèrent pour obtenir les avantages qu'on leur promet, mais ne reconnaissent pas leur situation de pécheur, ne se repentent pas, et ne se soumettent pas au Seigneur Jésus pour un plein pardon et la vie nouvelle. Ce ne sont pas des disciples. Ils acquièrent une apparence de religion ; ils chantent et ils dansent ; ils donnent la dîme, peut-être ; mais ils ne sont pas régénérés. Aujourd'hui, dans beaucoup d'églises, l'enseignement se réduit à satisfaire les besoins des auditeurs. On cherche à les aider à résoudre leurs problèmes, pour qu'ils puissent vivre plus confortablement. Peu de pasteurs cherchent à développer chez le croyant une foi ferme, fondée sur le message pur et entier de la parole de Dieu.
Drew Dyck remarque combien, en Occident, on se soucie des styles de prédication, de la louange et de l'adoration, de la musique, de l'atmosphère, de ce que pensent les nouveaux arrivants. Puis il présente un questionnaire utilisé par Asian Access (A2), mission chrétienne en Asie du Sud, pour aider le nouveau converti dans sa démarche de suivre vraiment Jésus. Comme nous pouvons le voir, les questions à l'autre bout du monde sont quelque peu différentes. A2 se sert du formulaire suivant :
1. Êtes-vous prêt à quitter votre maison et perdre la bénédiction de votre père ?
2. Êtes-vous prêt à perdre votre travail à cause de votre foi ?
3. Êtes-vous prêt à retourner au village vers ceux qui vous persécutent, à leur pardonner, et à partager l'amour de Christ avec eux ?
4. Êtes-vous prêt à faire une offrande au Seigneur ?
5. Êtes-vous prêt à être battu plutôt que renier votre foi ?
6. Êtes-vous prêt à aller en prison ?
7. Êtes-vous prêt à mourir pour Jésus ?
Il est certain que ces questions sont nécessitées par la persécution ambiante. Dans un pays où les pasteurs et les convertis ont toutes les chances de finir en prison, voire de perdre la vie, il est important d'être fort et enraciné dans sa foi. A juste titre, donc, Dyck se pose la question : Est-ce qu'on rend le chemin pour aller à Jésus trop facile ? Il est vrai qu'en Occident et dans de nombreux pays, il est facile d'être un « chrétien ». Maintenant, dit-il, est-ce que l'Église ne serait pas en meilleur état spirituel s'il y avait la persécution ? Probablement.
Je rappellerai simplement combien l'Église persécutée a toujours été forte, résistant aux hérésies, et progressant par l'assistance du Saint-Esprit. Ce fut vrai de l'Église primitive avant Constantin, des divers mouvements pré-réformateurs (Hussites, Lollards, Vaudois), de la Réforme en France, des puritains en Angleterre, etc. Ce fut le cas également au début de l'oeuvre au Burkina Faso. De même, c'est encore le cas dans les pays musulmans et certains états asiatiques. À l'inverse, la vague islamique n'a eu aucun mal à balayer le christianisme en Afrique du Nord lors des invasions du huitième siècle. Les églises y étaient faibles dans la connaissance biblique et dans la foi. Il n'y avait pas de fondement, hormis l'église copte qui, bien enseignée, a traversé les siècles. C'est notre cas aujourd'hui. Notre prédication se doit d'être sans compromis. Nous devons proclamer la vérité, pas seulement une partie de la vérité mais toute la vérité, quel qu'en soit le prix à payer.
Nous avons vu que l'Eglise a deux messages à proclamer. Le deuxième message est à destination du croyant qui a besoin de grandir dans la connaissance de Dieu et de sa parole, ainsi qu'en maturité. Or l'Église souffre aujourd'hui d'un manque cruel d'enseignement. La prédication actuelle ne répond plus aux besoins du peuple de Dieu. Elle n'est pas souvent, ou peu structurée ; elle ne nourrit pas le peuple qui en reste au lait spirituel ; elle est beaucoup trop agrémentée de témoignages, d'histoires, destinés à amuser le peuple. Rappelons que c'est la faible prédication par exposition d'Evan Roberts qui a conduit à l'arrêt du réveil gallois. Le manque d'enseignement contribue à la fragilité de construction de l'âme qui a des besoins indispensables pour grandir dans la foi et la maturité chrétienne. L'enseignement doit donc répondre aux besoins des âmes non seulement sur le plan spirituel mais aussi dans l'application à leur vie quotidienne ; il doit donc être contextualisé. Le fidèle doit quitter le culte en sachant ce qu'il doit ou devra faire si telle situation se présente à lui. Sur un plan plus profond, les enseignements sur le péché, sur la sanctification et la sainteté de Dieu, sur l'eschatologie, c'est-à-dire sur le retour du Seigneur, sont rares. Souvenons-nous que l'eschatologie de l'église primitive a été le gage de sa vitalité et de son action. Elle attendait le retour de son Maître, et se tenait prête. Fort malheureusement, aujourd'hui, la majorité de nos pasteurs et de nos chrétiens n'est pas prête à rencontrer le Seigneur, même si on le chante à tue-tête pendant la louange. Les coeurs sont beaucoup trop partagés entre les besoins du monde et l'attrait de notre premier amour.
Milton Green, "Ce n'est pas le réveil qui vient mais la grande apostasie," http://www.blogdei.com/ce-nest-pas-le-reveil-qui-vient-mais-la-grande-aposatsie
James Kennedy, La vie est belle en vérité, (Chalon-sur-Saône, France : Europresse, 1994),