La parole de l’Éternel me fut adressée et il me dit : Fils de l’homme, que vaut le bois de la vigne plus que les autres bois, et les sarments plus que les branches des arbres des forêts ?
Ezéchiel 15:1-2
SOYEZ HUMBLES :
Tel est, avons-nous dit, le grand enseignement que donne notre texte à ceux qui ont déjà goûté combien le Seigneur est bon. Que vaut le bois de la vigne plus que les autres bois, et les sarments plus que les branches des arbres des forêts ?
En observant les diverses allusions faites à la vigne dans l’Écriture, il semble qu’une sorte de prééminence lui soit attribuée sur tout le monde végétal — témoin, par exemple, l’antique parabole de Jotham, où les arbres sont représentés comme s’inclinant devant la vigne, en lui disant : Viens et règne sur nous (Jug 9:8-15). Toutefois, si nous considérons la vigne, indépendamment de sa fertilité, il est certain que nous ne verrons rien en elle qui lui donne droit à aucune distinction, encore moins à une royauté quelconque sur les autres arbres. Sous les divers rapports de la grosseur, de la forme, de la beauté, de l’utilité, le cep de vigne, en effet, leur est infiniment inférieur. Il n’est propre à aucun usage. En prendra-t-on du bois pour en faire quelque ouvrage, ou en prendra-t-on une cheville pour y pendre quelque chose ? (Ez 15:3). À part sa fertilité, la vigne est donc à peu près inutile. Nous l’admirons, il est vrai, lorsque nous la voyons tapisser de son riche feuillage les murs de nos demeures ; et, en Orient surtout, où les plus grands soins étaient apportés à sa culture, elle atteignait le plus haut degré de luxuriance. Mais qu’on prenne la vigne à son état de nature, qu’on la laisse à elle-même, elle est, sans contredit, un des arbrisseaux les moins intéressants et les plus inutiles qui croissent sous le soleil.
Or, mes bien-aimés, il en est de même de l’Église de Dieu, et voilà pourquoi l’humilité est pour elle un impérieux devoir.
Les croyants sont appelés la vigne du Seigneur ; mais par nature, que valent-ils plus que leurs frères en Adam ? Ils ne sont pas meilleurs que leurs semblables ; il est même des hommes du monde qui leur sont infiniment supérieurs, soit par l’élévation de leurs sentiments, soit par l’excellence de leurs qualités. Sans doute, par la grâce de Dieu, les chrétiens sont devenus des sarments fertiles ; ils ont été plantés dans un bon terroir ; le Seigneur a étendu leurs rameaux sur les murailles du sanctuaire, et maintenant ils portent du fruit à sa gloire.
Mais, j’en appelle à leur propre témoignage,
que seraient-ils sans la miséricorde de leur Dieu ?
Que deviendraient-ils sans l’influence continue du Saint-Esprit qui seule féconde leurs âmes ?
Ne sont-ils pas les derniers parmi les fils des hommes, les plus méprisables entre ceux qui sont nés de femme ?
Considère ceci, ô croyant !
Avant ta conversion, qu’y avait-il en toi qui puisse te rendre agréable aux yeux de Dieu ?
Que dis-je ? Maintenant même, qu’y a-t-il en toi dont tu aies sujet de te glorifier ?
Ta conscience ne t’accuse-t-elle point sans cesse ?
Est-il un seul jour de ta vie dans lequel tu n’offenses point le Seigneur, et tes infidélités, tes égarements sans nombre ne te disent-ils pas que tu es indigne d’être appelé son fils ?
La faiblesse de ton intelligence, la fragilité de ton sens moral, ton incrédulité toujours renaissante, tes chutes réitérées, en un mot, les misères de tous genres ne t’obligent-elles pas à reconnaître que tu es moins que le moindre de tous les saints ?
Et s’il a plu à Dieu de faire de toi quelque chose, ne dois-tu pas avouer que c’est uniquement par un effet de sa grâce, de sa grâce libre et souveraine, que tu es ce que tu es ?
Ah ! s’il y avait dans ce moment devant moi une âme qui, tout en se considérant comme élue de Dieu, ne soit pas prête à s’associer à ces aveux, mais se persuade qu’elle a été choisie en considération de quelque mérite ou de quelque bon sentiment qui lui était propre — que cette âme sache bien qu’elle n’a encore rien compris aux premiers éléments de la grâce, et qu’elle est dans les ténèbres par rapport à l’Évangile. Tout homme qui a reçu la vérité d’une manière efficace doit être prêt à confesser en toutes rencontres qu’il est le plus vil des pécheurs, le rebut de toute la terre ; que par nature il était perdu, souillé, indigne, ou plutôt digne de la condamnation, digne de l’enfer ; et que s’il a été choisi dans le monde et rendu différent de ses semblables, c’est uniquement à la grâce toute gratuite, à l’amour spontané et immérité de son Dieu qu’il en est redevable.
Ô chrétien, toi qui es aujourd’hui grand par la foi et grand par tes œuvres, tu ne serais grand que par tes péchés, si ce n’était la grâce de Dieu !
Ô toi, vaillant soldat de la vérité, tu serais non moins vaillant à combattre pour Satan, si une influence divine n’avait agi sur ton cœur !
Un trône de gloire t’est réservé dans le ciel ; mais tu n’aurais eu à attendre qu’une chaîne d’obscurité en enfer, si l’Esprit saint ne t’avait transformé.
Maintenant tu exaltes l’amour de ton Sauveur ; mais une chanson licencieuse serait peut-être sur tes lèvres, si la grâce ne t’avait lavé dans le sang de Jésus.
Maintenant, tu es sanctifié, vivifié, justifié ; mais, je te le demande, que serais-tu en cet instant même, si la main du Très-Haut n’était intervenue en ta faveur ?
Il n’est point de crime dont tu n’aurais pu te rendre coupable ; il n’est point d’excès, point de vice dans lequel tu n’aurais pu tomber : peut-être, à cette heure, serais-tu un meurtrier, si la grâce préventive de Dieu n’avait retenu ta main.
Un jour, tu seras rendu semblable aux anges ; mais tu aurais été semblable aux démons, si la grâce n’avait fait de toi une nouvelle créature.
C’est pourquoi, ô chrétien, ne t’élève jamais par orgueil. Souviens-toi que tous tes vêtements te viennent d’en haut : des haillons étaient ton seul héritage. Souviens-toi que la somptueuse demeure, l’inépuisable trésor qui t’attendent pour l’éternité sont un don de ton Père céleste : il fut un temps où tu ne pouvais dire que rien n’était à toi, si ce n’est tes péchés et ta misère. Maintenant la précieuse justice de ton Sauveur te couvre, et revêtue de la robe sans tache du Bien-Aimé, ton âme est acceptée de Dieu ; mais n’oublie pas que tu serais encore comme enseveli sous des montagnes de péché et enveloppé dans les haillons souillés de l’iniquité, si Dieu n’avait eu pitié de ton lamentable état.
Et toi, ô mon frère, tu pourrais t’enorgueillir ? Tu pourrais ne pas marcher avec les humbles ? Oh ! Étrange mystère, inexplicable contradiction ! Quoi ? Tout ce que tu as est emprunté — et tu oserais te glorifier ! Tu ne possèdes rien qui t’appartienne en propre, tu ne vis que d’aumônes — et tu serais orgueilleux ! Misérable indigent, dénué de toute ressource, tu dépends entièrement de la munificence de ton Sauveur — et tu serais vain ! Pauvre âme fragile et languissante, tu as une vie qui ne peut être alimentée que par les ruisseaux vivifiants dont Jésus est la source — et tu serais fière ! Va, mon bien-aimé, défais-toi à tout jamais de ton orgueil ; dépouille-t’en au plus tôt ; pends-le à un gibet aussi haut que celui d’Haman ; laisse l’y tomber en poussière, et exècre sa mémoire jusque dans l’éternité ; car, en vérité je te le dis, parmi toutes les choses dignes d’être maudites, haïes et méprisées, l’orgueil d’un chrétien occupe le premier rang ! L’enfant de Dieu a dix mille fois plus de motifs que tout autre de marcher en humilité devant son Dieu, et de se montrer doux, indulgent et débonnaire envers ses semblables. Croyant, reçois donc instruction de mon texte et n’oublie jamais que la vigne ne vaut pas plus que tous les autres arbres, si ce n’est à cause de la fertilité que Dieu lui a départie.
Charles Spurgeon